La question du financement des entreprises de l’armement ne semble vraiment pas réglée…
C’est toujours d’actualité. Il n’y a que Bercy po ur dire qu’il n’y a pas de problème. Au problème de financement, s’ajoutent désormais les problèmes d’assurance. Les entreprises ont de plus en plus de difficultés à assurer leurs activités, leurs bâtiments parce qu’elles ont une activité de défense.
Malgré le conflit en Ukraine, celui au Proche-Orient etc… n’y a-t-il pas eu une évolution des mentalités au sein des banques et des assurances ?
L’état d’esprit n’a pas évolué.
Une fois ce constat fait, qu’est-ce que vous pouvez faire pour changer cet état d’esprit ?
Nous, on va continuer à se battre pour que le Livret A finance les entreprises de défense. Le débat sur le livret A a été complètement biaisé par Bruno Le Maire qui avait expliqué dans un tweet qu’il refusait que les crédits consacrés au logement soient amputés pour financer la défense. C’était un mensonge. La partie de l’encours du Livret A, qui est fléchée pour le logement, n’était pas concernée par le financement des entreprises de défense. Comme tout le monde le sait, une grande partie du livret A va au financement des entreprises et de différents sujets. Nous, c’est sur cette partie que nous souhaitons prélever une partie de l’encours du Livret A pour financer l’industrie de défense. Le Livret A ne va pas régler tous les problèmes du financement de la défense. Mais il s’agit de donner une impulsion et de passer un signal fort aux banques.
C’est-à-dire ?
Nous sommes dans un monde où tout devient de plus en plus compliqué au quotidien : la France se fait sortir du Tchad et du Sénégal ; la Russie tire des missiles balistiques en Ukraine. Et nous en France, on regarde les choses en continuant d’avoir un état d’esprit de paix et de bienveillance. Mais il faut que la France s’arme pour être dissuasive sur le plan international et diplomatique. Il faut être capable de montrer que la France a des moyens militaires pour imposer ses points de vue. Or aujourd’hui, les banques empêchent la France d’avoir ces moyens quand elles refusent aux PME et aux grandes entreprises de financer leurs investissements dans la défense. Il faut changer d’état d’esprit. Et cela ne doit pas s’arrêter pas au financement des entreprises de défense par le Livret A. Changer d’état d’esprit, c’est faire comprendre aux gens que le monde des bisounours est fini.
Jean-Louis Thiériot, le nouveau ministre délégué a uprès du ministre des Armées et des Anciens combattants, qui est sensibilisé sur ce sujet, va-t-il vous aider ?
Lors de l’audition du ministre des Armées à laquelle a participé Jean-Louis Thiériot, il a expliqué qu’il n’y avait plus de problème de financement pour les entreprises de défense. Nous n’avons pas compris pourquoi il s’était exprimé ainsi. Je pense que si on veut régler les problèmes de la France, il faudrait déjà régler le problème de Bercy, qui essaie d’insuffler une petite musique en expliquant qu’il n’y a pas de problème. Mais il n’y a rien qui leur remonte.
Et vous ?
Quand je vais voir le GICAT, le GICAN, le GIFAS, le cluster de défense Eden, ou encore le comité Richelieu, tous me racontent qu’ils ont des entreprises qui ont des difficultés. Dans mon département, Balle TPM, qui souhaite s’agrandir pour livrer un marché de munitions de petit calibre pour les commandos marine, s’est vue opposer six prêts sur sept par les banques quand il a souhaité investir pour construire une nouvelle usine. C’est le cas aussi d’une PME comme PGM, fabricant de fusils de précision, à qui les assurances ont refusé de passer un contrat pour assurer un nouveau bâtiment sous prétexte qu’elle fournit le ministère des Armées. Qu’on arrête de me faire croire qu’il n’y a pas de problème. La « compliance » bancaire met sous pression le secteur de la défense. Sans oublier non plus la taxonomie européenne. Il faut vraiment qu’on se défasse de toutes ces contraintes. Et on s’en défera en prenant conscience de l’urgence de s’armer. Un État désarmé, c’est un État soumis. Il faut quand même s’en rendre compte. Si la France ne s’arme pas suffisamment, elle laissera la place à d’autres nations. Puis notre économie en pâtira. Il faut garder une certaine vision à moyen et long terme.
Les grands groupes sont-ils rattrapés par cette problématique ?
Il y a quatre ou cinq ans, un directeur financier d’un grand groupe est venu me voir à l’issue d’un débat sur le financement des entreprises, en me révélant que les grands groupes avaient également de gros problèmes de financement. Les services financiers de ces entreprises se battent pendant des semaines et des semaines pour essayer de trouver des solutions de financement. Aujourd’hui, ils viennent nous dire qu’ils commencent à avoir des difficultés de financement. Je reste assez persuadé qu’il y a, derrière cette problématique, des États qui financent des ONG, qui encouragent les conseils d’administration de banques, qui encouragent des lobbies à Bruxelles à faire en sorte de ne pas financer la défense. C’est une guerre. C’est une guerre avec d’autres moyens.