Le Pinel va-t-il obtenir un sursis de trois mois ? C’est en tout cas ce que souhaitent les sénateurs. Les élus du Palais du Luxembourg ont voté vendredi dernier un amendement en ce sens, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Pour rappel, ce dispositif d’investissement locatif doit prendre fin le 31 décembre prochain. Une dizaine de sénateurs, principalement issus des bancs des Républicains et du groupe centriste, ont défendu son maintien jusqu’au 31 mars 2025.
« Il est à craindre que [la fin du Pinel] entache sérieusement les investissements locatifs. La crise actuelle rallonge les délais de commercialisation alors que la demande locative dans les territoires en tension ne fait que de s’accroître » , a défendu au micro le sénateur centriste Franck Menonville, reprenant les éléments de langage de l’amendement déposé.
Concrètement, l’amendement rendrait possible la signature de l’acte notarié d’un logement Pinel pendant tout le premier semestre 2025, soit jusqu’à fin mars. Permettant « aux personnes qui se décideraient entre maintenant et le 31 décembre pour acheter un logement avec le dispositif Pinel » de pouvoir « effectivement le faire » .
« Lors de l’achat d’un logement en Vente en l’État Futur d’Achèvement (VEFA), il existe plusieurs délais incompressibles et formalités obligatoires à respecter entre la réservation et la signature de l’acte notarié (…). Sans l’adoption d’une mesure de transition et au regard de ces délais incompressibles, il est d’ores et déjà impossible d’investir dans un logement Pinel » , fait valoir le texte.
Un dispositif jugé inefficace et coûteux
Pour rappel, le dispositif Pinel est jugé inefficace et trop coûteux pour les finances publiques, par l’exécutif. Entré en vigueur en septembre 2014, cette niche fiscale, qui tient son nom de l’ancienne ministre du Logement Sylvia Pinel (PRG), permet aux particuliers qui investissent dans des logements neufs ou à rénover de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu, en contrepartie de leur mise en location. Parmi les conditions à remplir pour en bénéficier : le logement doit être situé dans un bâtiment d’habitation collectif et dans des zones où il est particulièrement difficile de se loger et être loué pour une durée minimale de 6 ans.
En incitant à l’investissement locatif, le Pinel a ainsi pour but de soutenir l’effort de construction des promoteurs immobiliers. Un objectif qu’il « ne remplit qu’imparfaitement » , selon un rapport de la Cour des comptes datant de septembre. S’il a certes « largement contribué au déclenchement d’opérations immobilières qui n’auraient pu, ou moins rapidement, aboutir » , impossible d’en évaluer précisément l’impact faute de données sur le nombre de logements concernés, a-t-elle relevé.
Par ailleurs, il ressort que le Pinel attire essentiellement des investisseurs aisés, à la recherche d’un outil de défiscalisation. Ce qui représente un coût global pour les finances publiques d’environ 7,3 milliards d’euros en dix ans.
D’où sa décision de le supprimer. Au grand dam de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), qui réclamait plutôt son maintien voire son renforcement.
Chaos politique
Reste encore des étapes pour que cet amendement sénatorial puisse pleinement entrer en vigueur. La première a été validée dimanche par le vote des sénateurs de l’ensemble de la partie « recettes » du PLF (200 voix pour, 15 contre, 30 abstentions), incluant cet amendement.
Une séance qui s’est d’ailleurs révélée particulièrement houleuse. Les trois groupes de gauche (socialiste, écologiste, communiste), minoritaires, ont en effet déserté l’hémicycle et boycotté les dernières heures de débats et le vote. Et ce, en raison de la décision prise par le gouvernement et de la majorité sénatoriale de demander – à la dernière minute – la tenue d’une seconde délibération sur plusieurs dizaines de mesures pourtant votées durant la semaine à main levée.
« On vient d’inventer un nouvel outil : le 49.3 sénatorial. On passe des heures, jour et nuit, à voter des mesures, trouver des compromis. Et d’un revers de main, les délibérations sont balayées » , a déploré auprès de l’AFP le socialiste Thierry Cozic.
Une allusion directe à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet l’adoption d’un texte législatif sans vote. Cette arme constitutionnelle a d’ailleurs été dégainée par le Premier ministre ce lundi dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Michel Barnier expose ainsi son gouvernement à une motion de censure, la gauche ayant promis d’en déposer une en cas de recours au 49.3. Et le Rassemblement national a indiqué ce lundi vouloir s’y associer. Or, si ces deux forces d’opposition s’unissent, elles disposent d’assez de voix pour voter cette censure et ainsi renverser le gouvernement.
Si un tel scénario se produisait, l’examen du PLF serait alors stoppé. Et l’amendement sur le dispositif Pinel n’en resterait qu’à l’état de proposition. Si la censure n’est en revanche pas actée, le projet de budget poursuivrait sa route parlementaire. Mais avec le risque de ne pas être adopté. Car Michel Barnier ne s’interdit pas de recourir au 49.3 lors également du vote de ce texte, prévu à l’Assemblée nationale le 18 décembre. Ce qui serait alors suivi d’un dépôt d’une motion de censure par la gauche, a minima.